Paris 8 autrement

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Commentaires sur les candidatures

Quelques commentaires rapides sur les déclarations de candidatures



Il y donc 6 candidats pour un poste de président. Deux des candidatures se réclament du soutien d’une liste présente lors des renouvellements des trois conseils l’an passé. Gérard Mairet par Red, Pascal Binczack par P8autrement.

Nous nous exonérons d’un commentaire de la déclaration de candidature de Pascal Binczak puisque nous, P8 autrement, avons décidé de le soutenir. Ceci ne nous empêchera pas de continuer à dire ce que l’on pense de l’avenir de Paris 8, ni à expliquer pourquoi Paris 8 autrement continuera à exister au-delà des élections à la présidence. Cette contribution s’adresse donc aux autres déclarations de candidatures

Une candidature surprise est sans conteste celle d’Alain Bourdin, de l’IFU, qui déclare d’emblée qu’il n’a guère de chance d’être élu. Il est vrai que le directeur d’une composante qui demande son rattachement à une autre université n’est pas le mieux placé pour prétendre à l’élection de la présidence de l’Université qu’il désire quitter. Au moins sa candidature permet-elle que la question de la place de l’IFU dans Paris 8 soit posée, et nous voulons croire que c’est l’unique motivation de celle-ci.

Une autre candidature un peu à part est sans conteste celle de François Mellet. Sa déclaration, la plus longue, est riche de toute son expérience de notre université et sa lecture permet de revisiter l’histoire de cette « noble » institution qu’est ou croit être Paris 8. Mais il faut aussi reconnaître qu’elle est profondément marquée par le rêve d’une certaine continuité utopique – comme le rappelle le titre de sa déclaration. Elle incarne donc assez bien un « esprit » de Vincennes qui se veut continué à St Denis sans convaincre totalement qu’elle soit de nature à emporter toutes les convictions nécessaires.

Nous avons déjà eu l’occasion de commenter la déclaration de Gérard Mairet pour laquelle un des reproches essentiel est une tendance à s’accommoder, par renoncement et/ou découragement peut-être, au rouleau compresseur de la tutelle et des orientations libérales qui pèsent sur l’université. La substitution systématique de la notion de bien commun à celui de service public est à cet égard sans aucun doute signifiant.

Deux candidatures s’inscrivent d’emblée dans un mode lexical profondément marqué par l’air du temps. Si l’un assume pleinement cette inscription, Imad Saleh, l’autre, JF Degrémont, tente de s’en défendre en revendiquant haut et fort la référence au service public dès le début de son texte pour s’en éloigner sémantiquement et par les propositions assez vite.

De la contribution d’Imad Saleh, nous pourrions être tenté de la caractériser de la façon suivante : « un modernicisme à tout craindre ». Trois pages consacrées à un projet de réseaux européens comme entrée dans l’avenir de Paris 8, un paragraphe pour la politique d’enseignement et de recherche comme un paragraphe pour l’échec universitaire. Cela situe les équilibres. Sans doute peut-on trouver intérêt à la construction d’un tel réseau européen, et cela mériterait sans doute échange, mais en revanche nul ne peut croire que c’est seulement autour de celui-ci que Paris 8 pourra exister. « Il s’agit de créer autour de notre université un pôle d’excellence européen fondé sur des partenariats solides et dynamiques entre universités souhaitant, face aux développements concurrentiels, évidents des universités américaines et japonaises, mettre leurs compétences en synergie pour améliorer leur visibilité et leur attractivité. Nous ne sommes pas loin de penser que nous trouvons là face à une question de survie intellectuelle pour nos institutions ». Si le diagnostic final est juste, alors la proposition se tient. Mais cela suppose au moins deux choses : que le diagnostic soit juste, et que les conséquences d’une telle proposition sur la réalité actuelle de ce qui fait Paris 8 soient abordées. Or tel n’est pas le cas. Concevoir le projet autour de la mobilité des étudiants sur la base de pôles d’excellence et du développement des ECTS, cela rappelle quelque chose. L’analyse lexicale est aussi intéressante : « excellence, compétences, campus numérique, culture d’évaluation », etc. Impossible de ne pas souligner que la question de l’échec universitaire appelle comme seule réponse le tutorat. Le mot même de pédagogie n’est pas prononcé à cette occasion. Cette vision moderniste fait donc totalement l’impasse sur la réalité de ce qu’est Paris 8 aujourd’hui pour se projeter dans une construction hypothétique, donc virtuelle, peu raisonnable. Quant à la question du fonctionnement de l’université, il n’y a guère d’engagements en prise avec ce que nous avons vécu – subi – ces dernières années.

La déclaration de JF Degrémont s’affiche d’emblée dans le registre du service public. Du moins peut-on le croire à l’énoncé du premier intertitre : « Tenir le cap de la mission de service public confiée à l’Université » Mais très vite, le style et le vocabulaire trahissent des pressions redoutables : étudiant au centre, expérimentation pédagogique, indicateurs d’évaluation des formations, individualisation de l’offre de formation, déjà cinq expressions que l’on retrouve en moins de 20 lignes. Et la pression lexicale devient vite plus forte encore dès que l’on aborde la direction et le fonctionnement de l’université : gouvernance efficace, tableau de bord, contrôle de gestion, pilotage par objectif. Tous ces termes arrivent par rafales pour mieux faire sentir le rouleau compresseur de l’efficacité.

Certes, le texte est bien « balancé » afin que quelques mots clefs soient présents comme la collégialité avec un zeste de bonus (« fonctionnement collégial et autocritique » propose-t-il) mais sans qu’à aucun moment le contenu de cette collégialité ne soit évoqué. Rien n’est dit sur le rôle respectif des conseils et du président, ce qui pourrait induire de la collégialité, ni même sur le bureau de l’université, mais en revanche il est question de vice-présidents nommés (par le président donc). Pas un mot bien sûr sur les Etats généraux adoptés par le CA.
Un passage est tout à fait significatif du naturel qui revient au galop : « L’examen des dotations attribuées à l’Université au cours des années passées montre que la stratégie de rugosité qui a souvent prévalu n’a pas été payante Il ne s’agit pas ici de nier les particularismes de Paris 8 pour s’effacer dans la normalité mais, bien au contraire de valoriser l’identité et l’originalité des apports de l’Université, notamment pour obtenir une part significative de « l’argent des banlieues »». Sur l’autel de l’efficacité…..
Incontestablement cette déclaration de candidature signe le règne du pouvoir structurant de la gestion, avec d’ailleurs un savoir faire certain qui peut être tentant dans un univers où une certaine « décontraction » à l’égard du suivi des prises de décision est manifeste et source de grandes difficultés au quotidien. Mais l’affirmation première de principe, « Tenir le cap de la mission de service public confié à l’université » s’efface rapidement devant ces impératifs de gestion. Et si Paris 8 devait prendre ce cap, alors les pressions du marché ne rencontrerait plus guère d’obstacle.


François Castaing

Date de création : 25/10/2006 @ 23:16
Dernière modification : 25/10/2006 @ 23:37
Catégorie : Textes individuels
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