Paris 8 autrement

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Philippe Tancelin (Textes individuels)

Élections ?!...

N'entendez à travers ces quelques lignes aucune prétention de programme électoral, aucune vocation représentative mais simplement l'envie profonde d'exprimer un point de vue sur la manière dont nous pourrions concevoir autrement l'avenir.

Je crois qu'il ne faut pas considérer les prochaines élections des conseils de Paris huit comme une échéance (ce terme est trop connoté de délai, de paiement, de ce dont on serait redevable) mais comme une opportunité c'est-à-dire, cette terre d'accueil pour tout ce qui pourrait surgir d'élan, de dynamique, de générosité et d'étonnement grâce au désir encore et toujours d'oeuvrer au sein de notre fac pour un rêve dont le feu ne sera jamais éteint même par les plus contraignantes réalités.

L'opportunité des élections prochaines tient en cette puissance que nous saurons affirmer que dans un monde de rationalité, dans des sociétés de concurrence, l'université ne sera jamais une entreprise sinon au risque non plus de son déclin mais de sa disparition et avec elle, celle de la pensée.

Si l'université n'est pas une entreprise, elle n'est donc l'affaire ni d'une femme, ni d'un homme providentiel meilleur que les autres, ni même d'une équipe, tant ce terme renvoie à la compétition sous quelque catégorie que ce soit. L'université n’est pas une « affaire » mais le projet d'une collectivité heureusement lucide de l'importance de ses dimensions éthique, esthétique, politique pour un bien-être ensemble et un devenir qui se déploient dans le sens du respect du désir de toutes celles et ceux qui composent cette collectivité.

Dans la société où nous vivons, les anciens comme les nouveaux de Paris huit, sans discrimination nostalgique, doivent hurler que l’angoisse, la lassitude, la résignation, les compromis audacieux n'auront pas nos yeux, n’occuperont pas nos visages parfois un peu timides devant l’offensive des discours sur la fatalité de nos échecs. Le réalisme pragmatique qu'on nous assène d'un conseil ministériel à un conseil d'établissement quel qu'il soit, n'occupera pas nos esprits, ne vaincra pas notre volonté si elle est authentiquement bonne.

Nous savons de longue expérience que ce qui nous est présenté journellement comme crise, des idées, des valeurs, n'est pas lié à un pouvoir faire qu'il s'agirait de conquérir, de prendre ou même un savoir-faire qu'il faudrait acquérir à force de labeurs politiques institutionnels, tandis que ce qui est véritablement en cause est de vouloir faire, vouloir la volonté de faire. Une volonté bonne, d’essence utopique est plus que jamais attendue en particulier par la jeunesse à laquelle nos missions pédagogiques, administratives s'adressent. Une telle bonne volonté au sens humaniste du terme est la condition de la vie de toute collectivité et la nôtre en particulier.

Il est nécessaire de réaffirmer hautement l'esprit de collectif qui n'a pas cessé de donner une âme à Paris huit.

Nous savons que la tâche universitaire a ses règles, ses droits, ses devoirs soumis hélas à des dramaturgies de changement qui lui sont imposées depuis plusieurs réformes dévoreuses d'espoir, de temps de recherche, d'autrement possibles. Cette tâche, nous en avons une autre idée que celle des ajusteuses et ajusteurs de règlements, de décrets qui fomentent le diktat des groupes de pressions, des particularismes, petits communautarismes, nouveaux intégrismes du jour le jour... Cette autre idée à la fois plus libre et plus audacieuse, a le goût revendiqué de l'aventure pour une utopie vivante, reposant sur l'engagement de chacune et chacun réunis par le seul projet d'un partage d'invention. Cette autre idée de l'université, n'est pas un voeu pieux mais une réalité possible qu'il faut défendre en saisissant toutes les opportunités.

L’élection de nouveaux conseils en est une. Que l'esprit de collectif qui nous anime si nombreux dans cette université s’empare de notre vision comme l'oiseau s'empare de son vol pour le plus libre et lumineux des ciels.

Philippe Tancelin octobre 2005