D.-E.
Responsable pédagogique du DEUG
(Anthropologie, UFR 3)
à
M. le Professeur Lunel,
Président de l’Université Paris 8
Saint-Denis, le 3 septembre 2004
Monsieur le Président,
Certains de mes collègues et moi-même
avons appris le 8 juillet 2004, par hasard sans doute, mais de la bouche
d'interlocuteurs qualifiés (Mme Decroisette,
vice-présidente du CA, et Mme Poupon-Buffières,
chargée de mission), que le ministère, dans le cadre de la réforme LMD, voulait
réduire notre formation d'anthropologie à n'être plus qu'une mineure de la
Licence de sociologie.
Pendant plusieurs mois, nous
avons méticuleusement travaillé à l'élaboration d’une maquette dans le cadre
des directives LMD, qui réduisaient déjà à la portion congrue le cursus des
trois premières années. Nous étions arrivés, en collaboration avec certaines
autres composantes de l’Université, à élaborer un dispositif d’études, qui,
pour n'être pas absolument satisfaisant, préservait du moins le minimum d'un cursus
digne de ce nom. Il est invraisemblable qu'on nous demande, maintenant, de
préparer une chimère de 10 EC en mineure improbable de troisième année. Sans
parler de notre option de DEUG, qui serait anéantie, cette hypothèse nous
ramène bien en deçà de l'actuelle Licence d'ethnologie.
Notre travail d'élaboration de la
maquette de Licence, avec toutes les difficultés qu'il a pu rencontrer, semble
donc remis en question, et ce, d'une manière d'autant plus éprouvante qu'aucune
décision n'a été officiellement prise en interne. L'offre pédagogique de
l'Université n'est pas encore finalisée, et l'on nous annonce que nous ne
saurions y prendre part.
Je n'ai pas encore l'avis de tous
mes collègues. Mais tous ceux qui, à quelque niveau, se sont investis dans le
projet de Licence sous la responsabilité de Béatrice David (mandatée pour cela
par le collectif enseignant) ont déjà pris acte de l'immense désinvolture avec
laquelle on les a laissé travailler. La maquette qui en résulte, et qui a au
moins le mérite de montrer comment un premier cycle d'anthropologie peut
fonctionner dans le cadre du LMD, sera présentée. Mais la question se posera
inévitablement de savoir à quel niveau, et pour quels intérêts, s'est forgé le
projet de démanteler le département d'anthropologie ; sur quelles données
et sur quel bilan, enfin, on voudrait tenir une décision pour acquise au terme
d'une discussion informelle avec le ministère.
Une filière complète
d'anthropologie est, et depuis 15 ans, une originalité que l'université Paris 8
a défendue, et qui a désormais son importance. Les débats pédagogiques,
scientifiques et institutionnels y ont sans doute été âpres et difficiles, ils
ont parfois interpellé l'Université. Mais, outre que le consensus n'est pas le
tout des situations humaines que nous étudions, nous pensons que ces débats
n'ont pas manqué d'âme. Et qu'ils ont, au bout du compte, contribué
positivement à l'histoire de notre Université.
Mais peut-être veut-on faire
disparaître un dispositif qui n'a pas eu l'avantage de satisfaire à la norme.
Comme, du reste, les nouvelles normes s'avèrent adaptables à toutes les
opportunités, je ne crois pas que toute une filière trouvera opportun de
mourir, ou, ce qui revient au même, d'être remplacée par une misère. Il faut
donc s'attendre à ce qu'elle se défende avec la plus grande énergie.
Comme responsable de diplôme de
DEUG, et sans préjuger de la suite des débats, j'en viens maintenant au point
décisif et urgent : dans les jours qui viennent, que vais-je pouvoir
conseiller aux étudiants s'agissant de la planification de leurs études, en
particulier à ceux qui s'inscrivent pour un cursus de deux ans ? Et d'une
manière plus générale : que dire aux étudiants qui ont choisi ce département,
et pour des raisons tout de même importantes à leurs yeux ? Qui leur dira,
et comment, que leurs choix intellectuels n'ont même pas été trouvés légers
puisqu'ils n'ont tout simplement pas été estimés ?
Vous connaissant, Monsieur le
Président, je suis sûr que vous me donnerez à brève échéance les meilleurs
conseils, pour commencer avec votre soutien une année qu'on nous annonce, en
aparté, être la dernière. Car parmi tous les avis autorisés, c'est désormais le
vôtre qu'on voudrait entendre d'abord.
Veuillez agréer, Monsieur le
Président, l'expression des mes sentiments distingués.
D.-E.